Par Louis | Domaines d'expertise : fiscalité, comptabilité

Publié le 02 février 2024 | Temps de lecture : 5 minutes

Patrimoine personnel et professionnel : pourquoi faire la différence ?

2,5 millions, c’est la quantité de micro-entrepreneurs administrativement actifs à date du 30 juin 2022, selon une note de conjoncture de l’URSSAF. Une progression de 12,2 % en seulement un an. (1) La loi du 14 février 2022 protège mieux le patrimoine personnel de tous les entrepreneurs individuels, dont les auto-entrepreneurs, face à leurs éventuels créanciers. Comment en bénéficier ?

La création d’une entreprise individuelle est une aventure passionnante, non exempte de risques. Si les dettes contractées au lancement de l’activité ne peuvent être remboursées, les créanciers sont alors en droit de se rembourser par la saisie et la vente des biens du débiteur.

Une limite importante existe désormais pour préserver les droits de l’entrepreneur : les biens saisissables se limitent en principe à son patrimoine professionnel. Ce dernier, est défini de façon précise par un récent décret du 28 avril 2022, (2) et il inclut l’ensemble des moyens engagés par l’entrepreneur pour mener à bien son activité, dont :

  • Les biens meubles (outils de travail, matériel informatique, véhicule utilitaire…) ;
  • Les biens immeubles (atelier de travail, bureau…) ;
  • Les biens incorporels (fichier clientèle, brevets…) .

Le patrimoine professionnel exclut donc les biens détenus à titre privé par l’entrepreneur, à commencer par sa résidence principale. Une nette séparation de son patrimoine personnel et professionnel est vitale pour sa sérénité et celle de sa famille.

Quelle est la réglementation en vigueur pour les micro-entrepreneurs ?

Concernant la protection du patrimoine personnel, la législation était peu favorable jusqu’à début 2022 pour les personnes envisageant de démarrer une entreprise individuelle, dont une micro-entreprise. Depuis la création du régime de l’auto-entrepreneur lancé en 2009, le principe était en effet basé sur la confusion des patrimoines personnel et professionnel de l’entrepreneur individuel. En pratique, un endettement lié à l’activité pouvait donc mener à la saisie d’un véhicule privé, par exemple. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, et pour en arriver à cette évolution de la protection du patrimoine, il y a eu quelques étapes :

  • La loi du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante a mis un terme au statut de l’entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL). (3) Sa principale particularité était d’autoriser une affectation du patrimoine professionnel par l’entrepreneur lui-même, pour protéger ses biens privés.
  • Dès le 15 mai 2022, dans le cadre de la loi Indépendants , un nouveau statut unique d’entrepreneur individuel ou « EI », incluant la micro-entreprise, voyait le jour.
  • Dans les évolutions, le statut conserve notamment l’héritage de l’EIRL, sachant qu’il prévoit la protection du patrimoine de l’auto-entrepreneur : son patrimoine professionnel et son patrimoine personnel font dorénavant l’objet d’une séparation stricte.
  • Si l’auto-entrepreneur contracte des dettes dans le cadre de son activité professionnelle indépendante, ces dernières pourront être seulement imputées sur son patrimoine professionnel.
  • Il s’agit d’une séparation présumée et automatique. Elle ne nécessite plus aucune démarche de la part de l’auto-entrepreneur, et en particulier aucune déclaration d’affectation de son patrimoine.

Compte bancaire professionnel micro-entrepreneur : une obligation ?

L’ouverture d’un compte bancaire pro facilite la distinction entre les ressources personnelles et professionnelles du micro-entrepreneur. Elle constitue une obligation si votre chiffre d’affaires annuel est supérieur à 10 000 €. (5)

Plus d’informations : Pourquoi ouvrir un compte professionnel avec Hello bank! Pro ?

Protéger son patrimoine personnel : quelles méthodes ?

Les micro-entrepreneurs bénéficient de ces dispositions plus protectrices, pour toutes les créances professionnelles contractées à partir du 15 mai 2022. Il s’agit d’être en conformité avec la règlementation et de faire apparaître à côté de leur nom ou de celui donné à leur entreprise, la nouvelle mention obligatoire « Entrepreneur individuel » ou « EI » sur :

  • Les factures et devis ;
  • Les contrats signés avec la clientèle ;
  • Le libellé du compte bancaire professionnel ;
  • Les brochures et documents publicitaires divers ;
  • Les livres de recettes de la micro-entreprise .

Rappelons par ailleurs les deux exceptions au caractère insaisissable du patrimoine personnel de l’auto-entrepreneur. En clair, son patrimoine personnel pourrait être saisi dans les deux cas où sa responsabilité est engagée :

  • Le manquement grave à ses obligations fiscales ou sociales : dans ce cas, la responsabilité financière du professionnel peut toujours être engagée, même sur ses biens personnels, dans la mesure où il aurait manqué au paiement de ses cotisations sociales ou de ses contributions fiscales.
  • Le choix de renoncer lui-même à l’insaisissabilité de son patrimoine : par exemple pour convaincre une banque de le suivre dans son projet avec un financement professionnel. Cette démarche doit alors donner lieu à la rédaction d’un acte visant à limiter la durée de l’engagement et son montant.

La déclaration d’insaisissabilité n’exonère en rien les deux exceptions au caractère insaisissable. Le seul fait d’afficher la mention EI ne permet pas de bénéficier de l’insaisissabilité, c’est bien le statut juridique EI qui le permet. Rappelons qu’afficher la mention EI est désormais obligatoire pour tous les micro-entrepreneurs quelle que soit leur situation vis-à-vis de leur patrimoine.

La déclaration d’insaisissabilité pour la micro-entreprise

Il n’existe aujourd’hui aucune déclaration d’insaisissabilité auto-entrepreneur qui soit obligatoire. De fait, la protection du patrimoine personnel est désormais présumée par la loi et il n’est donc plus nécessaire de réaliser une telle démarche.

Pour autant, il reste tout à fait possible de rédiger une déclaration d’insaisissabilité en tant que micro-entrepreneur. Cette démarche est notamment utile pour les auto-entrepreneurs utilisant une partie de leur résidence principale à des fins professionnelles, notamment pour recevoir leurs clients ou pour stocker des produits à la vente. Cette zone de leur domicile, en effet, reste saisissable en théorie, étant utilisée à des fins professionnelles, et doit donc être soigneusement délimitée (6) :

  • La déclaration d’insaisissabilité est réalisée devant notaire.
  • Si elle concerne la partie de la résidence principale dédiée à l’habitation, elle doit être accompagnée d’un état descriptif de division.
  • Elle est publiée au bureau des hypothèques et dans un registre de publicité légale.
  • Elle génère des frais d’un montant variable selon le nombre et la nature des biens concernés.

Les informations communiquées dans cet article sont à titre indicatif et non exhaustives. Il appartient au lecteur de se rapprocher de toute structure d’accompagnement ou tout conseil juridique, fiscal ou comptable pour disposer des informations complètes et précises.

(1)  urssaf.org
(2)  legifrance.gouv.fr
(3)  entreprendre.service-public.fr
(4)  entreprendre.service-public.fr
(5)  economie.gouv.fr
(6)  bpifrance-creation.fr